Tuesday, October 2, 2012

Vessel - Order Of Noise




Sebastian Gainsborough, nouvelle coqueluche des amateurs de musique électronique, n’est pas bien vieux. 22 ans, et à peine une courte demi-décennie de production derrière lui, mais le voilà projeté sur le devant de la scène actuelle, chez un des labels les plus en vogue du moment : le so-new yorkais Tri Angle, que tout Williamsburg encense depuis que Balam Acab y a grossièrement vulgarisé la « witch house » de Portland avec See Birds (2010), premier EP du label - qui reste mémorable quoiqu’aujourd’hui dépassé. Au risque de décortiquer sans le vouloir la progression de la hype autour de la nouvelle institution de Brooklyn, il faut admettre que le label est allé régressant ces derniers temps. Beaucoup sont parvenu à se faire un nom grâce à l’industrie du cool entourant la maison (Holy Other, oOoOO, How To Dress Well, Clams Casino), mais les ratés de cette année (AlunaGeorge, Evian Christ) ont parsemé d’embûches l’accès pourtant prédestiné au hall of fame des labels du genre (l’IDM en l’occurence, si cela veut encore dire quelque chose). D’ailleurs, presque logiquement, il est devenu commun de tirer à boulets rouge sur l'écurie, victime de son succès, et enchaînant par là-même  les labels nights au quatre coins de la planète aussi bien que les déceptions (la plus grande étant notamment l’insatisfaisant Wander/Wonder de Balam Acab l’année passée).

Seulement voilà, non seulement Holy Other, auteur de l’impressionnant With U l’année passée, bluffe tous les sceptiques avec un Held beau comme un ange, premier album largement à la hauteur des attentes pourtant excessives de ses followers ; mais en plus, un talent inespéré vient combler les manques évidents d’un imprint âgé de deux ans seulement, et aux ressources artistiques (en terme de quantité comme de qualité) encore assez… limitées.  Voilà que Vessel, tout juste sorti de ses premières et acclamées apparitions chez Left_blank (le label géré par l’anglais Throwing Snow, aussi patron du minuscule mais intéressant A Future Without), signe à l’hiver dernier le contrat un album chez Tri Angle, après seulement trois EPs officiels (sa première tape chez Astro:dynamics reste d’ailleurs assez dure à trouver). Aussi prometteur qu’il soit, cela paraissait énorme pour un jeunot dans le monde difficile de la musique indépendante. Mais il faut reconnaître que non seulement Order of Noise met tout le monde d’accord, mais en plus il redéfinit la conception assez close et  obsolète d’IDM que l’on se faisait jusqu’à présent.


Saturday, September 29, 2012

Sélection #5 - Fall is Rise




3 mois. Cela faisait 3 mois que je n’avais pas retrouvé le chemin de la chronique, et celui de ce blog, 3 mois que je n’avais pas eu l’audace de critiquer, ou même le plaisir de descendre les efforts de mes artistes favoris. 3 mois où ma fainéantise a pris le dessus sur ma soif d’écoute et mon envie de partage. Mais durant ces 85 jours de répit,  il m’a été donné d’entendre parmi les meilleurs albums de l’année. On reviendra dessus plus tard, car rien ne vaut le recul offert par les pluvieuses et mélancoliques semaines de l’automne afin de mieux mettre en perspective les éphémères saveurs d’été. Pourquoi ne pas donc redémarrer ce blog aux allures de cadavre avec quelques sons propices au chemin de l’école ? La rentrée en musique, c’est maintenant.

Thursday, June 28, 2012

Darling Farah - Body



On entend beaucoup parler de Darling Farah récemment. Peut-être est-ce dû à sa splendeur de premier album, Body. Cela ne serait pas anodin, vu la qualité de la galette. Mais c’est certainement en raison de son incroyable jeunesse. L’actuel londonien n’était âgé que de 16 ans lorsqu’il sortit son premier EP en 2008. Hair Down n’avait cependant rien à voir avec la suite de la discographie de Kamau Baaqi. D’une électro-house un peu crade mais pas encore repoussante, l’enfant saoudien était passé à une tech-house/minimale avec son Berline EP (sur lequel figuraient déjà de magiques remixes de Funkineven et Clara Moto, mentors de renom pour un petit gars de 18 ans), pour prolonger vers une sorte de deep techno tendant vers la house avec son EXXY en juin 2011. Ce cheminement aboutira en novembre à une UK House complexe et profonde, sorte de mélange entre dub minimaliste, et bass music : Division EP, dernier maxi du trio sorti chez Civil Music, correspondait donc à la fin de l’actualisation de ses influences musicales à la suite des années passées en Angleterre. Musique un peu « loungy », qui pouvait rapidement devenir inintéressante, et ressembler à l’ensemble des mélanges anglais entre house et bass, si ce n’était pour quelques morceaux (‘Model’, ‘Foreign’). Il n’y avait d’ailleurs rien de franchement techno dans la musique de Darling Farah à ce moment, et c’est ce qui choque le plus quand on essaie de mesurer le chemin parcouru en à peine 9 mois. De novembre dernier à aujourd’hui, le natif de Detroit a redécouvert l’histoire de la club music, s’est promené dans les archives, s’est balladé dans les affres du temps, s’y est perdu, et s’est retrouvé dans un album sombre, personnel et aussi original qu’orgasmique. Cet album, c’est Body.


Sunday, June 24, 2012

EP de la semaine



Ce n’est jamais simple de choisir, mais je crois que cette semaine, le choix s’est avéré particulièrement difficile. Ne me basant pas sur les dates de sortie, mais sur les dates à partir de laquelle je les écoute, il y a forcément des semaines où j’écoute plus ou moins de musique, et des semaines où j’écoute plus de LPs que d'EPs. Du 18 au 24 juin, j’ai donc passé en revue plus d’une vingtaine d’EPs qui font l’actualité, donc presque une dizaine valait d’être mentionnée : ceux de Vatican Shadow, Sunil Sharpe, Kink, Bandshell, Locked Groove, Untold, Matthew Dear, Four Tet, ou encore Dark Side…  et parmi ces neufs jolis vinyls, j’ai choisi de n’en garder qu’un pour faire honneur à cette rubrique hebdomadaire en perdition. Il s’agit de Change In a Dynamic Environment Part II, celui d’Untold donc. Deux tracks seulement, pas vraiment les plus belles de tout ce que j’ai écouté cette semaine, mais le plus d’originalité, et de volonté artistique peut-être. Loin de toutes convetions, on est pris de spasmes,quand on écoute les tranchantes notes de basses de l’artiste anglais. La techno gagne en profondeur et en densité avec cet EP qui jouit des influences bass/house de son compositeur, afin de mieux se perdre dans les méandres de ce qui rend la scène anglaise à la fois si intéressante et si déplorable ces dernières années. Car oui, la scène londonienne, et anglaise plus généralement, est gangrenée, comme je m’use à le répéter, par ce flux incessant de productions bass/house, dénomination fourre-tout que Resident Advisor avait déjà analysé il y a quelques mois de cela ici. Oui, les anglais, connus depuis la fin du XXème pour leur prédisposition à vouloir bordéliser la norme des influences, et à savoir briser les ‘cases’ que nous autres français, en bons héritiers de la multiplicité des distinctions sociales, nous adorons ; ces anglais savent faire le ménage et, de bric à broc, créer des styles à partir de pas grand-chose, « genrewise » comme ils auraient à la bouche.  En musique électronique, c’est la même chose : 20 ans d’histoire nous l’auront démontré sans que l’on puisse revenir dessus. Qu’il s’agisse du mouvement Hardcore dans le sud londonien (jungle créée à partir d’un break, drum & bass découlant du flow initial, Speed Garage se joignant aux festivités, entraînant la naissance du dubstep, etc.), de la techno de Birmingham ou de la house mancunienne, ils ne se gênaient pas pour littéralement tout mixer, manipulations génétiques explosives créant les hybridations que l’on connaît, métamorphoses et mutations musicales permettant plus de 20 ans d’ « adventures in sound and music ».


Cette semaine, c’est Untold qui s’y colle, avec une techno aux penchants house, bass, presque juke sur les bords. C’est dire si le co-patron de Hemlock Recordings veut se jouer de nous. En effet, si ‘Breathe’ nous paraît simple, c’est parce que ‘Caslon’ nous laisse littéralement sans savoir sur quel pied danser. Une incroyable vague bass, chicagoïsante, collante, indétachable du reste d’une track qui avait tout de la techno de Birmingham, on sentait presque l’asphyxie arriver. Au lieu de tout cela, on écope d’un délire totalement hallucinatoire, coincé entre ce rythme endiablé et de ce synthé si proche de ceux de l’agréable ‘The Planet’ dItal Tek. Planet Mu fait donc la nique à Sandwell District pendant qu’on prend notre pied en écoutant cet indescriptible mash-up qui semble appartenir à nos pires cauchemars, et qui sonne en fait assez bien. Il faut avoir le tympan bien accroché, je l’avoue sans problème, et oser regarder en face les absurdités acoustiques et autres dissonances qui polluent ce ‘Caslon’. Mais, nous autres électroniciens musicaux, qui écoutons du noise, du glitch ou du drone criard, sommes-nous en mesure de juger quand nos musiques préférées font parfois preuve d’une « amusicalité » (au sens classique et donc ancien du terme) défiant presque toute concurrence ? Ainsi il faut saluer le courage artistique d’un Untold qui n’a pas hésité à commettre l’irréparable afin d’ouvrir de nouvelles voies, et de se sacrifier afin de nous livrer une deep techno étrange, ni subtile ni jouissive, mais belle et bien en dehors des cadres classiques. À ceux qui n’auraient pas l’ouverture d’esprit de considérer cette option comme valable, je les renvoie alors à ce ‘Breathe’, si justement tempéré, si finement réalisé, là où la techno rencontre la douceur et la passion. Ce ‘Breathe’, c’est de la techno version Smallville. Là encore, tout dans la structure rythmique indique un morceau technoïde bien calibré, et les effets sur le rythme appartiennent au registre techno aussi, mais là encore Jack Dunning ne se laisse pas faire par les conventions, et ajoute une ligne de basse si tendre qu’elle fond sous la dent. Les harmoniques de synthé de ci de là servent désormais à calmer l’atomsphère, et tout d’un coup, une courte montée en intensité débouche sur un lead maximaliste qui semble exécuté par une myriade d’astres célestes. C’est désormais scintillant, relaxant, infinment plus gratifiant qu’une ballade techno comme on connaît tant d’autres, et pourtant, la même base rythmique accompagne cette sorte de deep house évoluée. On est vraiment charmé par ce soul train démoniaque, et cette ambivalence si réussie. Voilà pour Change In A Dynamic Environment Part II. Si vous n’étiez pas au courant, une suite et dernière partie de ce trio est prévue pour septembre prochain, et quand on voit la qualité des deux premiers on ne peut que s’attendre à une réussite. Le label à la cigüe prévoit donc de continuer l'élargissement de son impressionnante discographie (Ramadanman, James Blake, Cosmin TRG ou encore Pangaea sont déjà au catalogue). On est plus qu'impatients de découvrir tout ça. Alors rendez-vous à la rentrée. 

Thursday, June 21, 2012

Sélection #4 - Fête de la musique



Pas de discussion possible, ce soir vous allez fêter la musique. Dans la rue, acculé entre les reprises des Doors ou de Bob Marley qui conjuguent mauvais goût et faiblesse d’interprétation, vous allez sortir dehors et vous contenter de l’orage (qui ne lâchera décidément pas la région parisienne avant le mois de juillet), abuser des enceintes indécentes qui vrilleront vos tympans jusqu'à la moelle,  enfin boire jusqu’à plus soif, histoire d’oublier l’ambiance morose qui règne à deux jours de notre expulsion de l’Euro, et à quelques mois de la fin de l’€uro. Parmi les seules bonnes nouvelles, l’actualité musicale qui s’achète une vie avec l’arrivée très prochaine de l’été (non, je n’appellerai pas encore ce temps de merde « été », que cela vous plaise ou non), histoire de pourrir nos iPods de merdes commerciales. Et d’autres choses éventuellement. Le point sur les quelques sorties pré-estivales qui nous mettent du baume au cœur.


Monday, June 18, 2012

Polysick - Digital Native




Paul Kersex est un singulier personnage. Ce « machine man » italien est l’auteur d’une petite dizaine de releases si on compte son alias TheAwayTeam, et s’est ainsi donné l’opportunité de publier sur pas moins de 10 labels différents (et cette fois, c’est en oubliant de prendre en compte son EP self-released). Un homme de conviction donc, attaché à sa vision de la musique électronique et rien d’autre, électron libre qui transmet son regard et son savoir un peu partout en Europe, depuis la belle ville de Rome. C’est aussi et surtout un artisan électronique, déterminé à passer par une conception analogique de ses morceaux, et à refuser la facilité parfois déconcertante de la club music actuelle, ses rythmes 4/4 évidents et sa house gentillette. À l’inverse, Polysick veut que son electronica, si elle croule sous les références dance et les influences 90’s (et ce notamment en raison des instruments et des patterns utilisés), ne tire sur aucune corde, ne s’attache à aucun courant spécifique, de peur de rentrer dans un formatage sournois. Qu’en est-il du succès d’une telle entreprise ? Après deux ans de productions plus ou moins réussies, il est encore légitime de se demander si Polysick est en mesure de dépasser le stade d’espoir surévalué. En effet, Digital Native, son second long format, s’il ne lui cause pas d’opprobre, ne lui rend pas justice non plus.


Friday, June 8, 2012

Recondite - On Acid




Depuis la sortie de son premier Long Play On Acid, la presse n’a plus que le mot "underrated" à la bouche pour parler de l’heureux Recondite et de ses acolytes de chez Acid Test. Très liés, le Berlinois et son label font cependant leur possible pour cacher l'identité du prodige. Sans doute pour mettre en avant leurs expérimentations, et leur but final. En réalité, toute leur aventure n’est qu’une histoire – et d’Histoire il est essentiellement question – d’oscillateur, plus précisément de TB 303. Oui, oui, la Roland Transistor Bass 303,  séquenceur de basse de la fin des années 80 qui, en prenant une utilisation moins conventionnelle (celle voulue par les ingénieurs n'avait pas grand-chose à voir avec cellle qui domina le marché), fût à l’origine d’un pan historiquement important de la musique électronique (l’Acid House), et qui valut à Tadao Kikumoto, chef de la R&D chez Roland, la paternité reconnue par The Guardian d’un des 50 évènements les plus importants de l’histoire de la dance music. Voilà le résumé wikipédia pour ceux qui n’avaient vraiment rien suivi, la petite mise à niveau réglementaire pour ceux qui débarquent. Ce qu’il est aussi bon de savoir, c’est que depuis toujours, il existe une nostalgie de cette époque chérie par les fans de la première heure, une nostalgie tantôt ambiante, tantôt frénétique, nourrie par les souvenirs de vieux fêtards aujourd’hui disquaires en mal de vivre, et par d’incessants revivals plus ou moins réussis. L’Acid House, sorte de faux âge d’or, vestige idéalisé d’une époque ou la club music était composée de trois genres et quatre sous-genres qui se battaient en duel, comme le veut l’expression. Aujourd’hui, la diversité incroyable de l’univers de la musique électronique permet de s’accorder sur l’absurdité d’un retour en bonne et dûe forme de cette éphémère hystérie collective nord-américaine. Un état des lieux qu’Acid Test comprend, et met aujourd’hui à profit, et c’est là le point intéressant : tenter de réexploiter les possibilités d'un instrument injustement réduit à l’utilisation qu’en ont fait les générations passées, et non par ses capacités innées. Voilà l’aventure dans laquelle Acid Test s’est lancée, le challenge qu’ils se sont donnés, et qu'ils ont relevé haut la main.