3 mois. Cela faisait 3 mois que
je n’avais pas retrouvé le chemin de la chronique, et celui de ce blog, 3 mois
que je n’avais pas eu l’audace de critiquer, ou même le plaisir de descendre
les efforts de mes artistes favoris. 3 mois où ma fainéantise a pris le dessus
sur ma soif d’écoute et mon envie de partage. Mais durant ces 85 jours de répit, il m’a été donné d’entendre parmi les
meilleurs albums de l’année. On reviendra dessus plus tard, car rien ne vaut le
recul offert par les pluvieuses et mélancoliques semaines de l’automne afin de
mieux mettre en perspective les éphémères saveurs d’été. Pourquoi ne pas donc
redémarrer ce blog aux allures de cadavre avec quelques sons propices au chemin
de l’école ? La rentrée en musique, c’est maintenant.
Comme à mon habitude, je vais
parler en terme de releases plutôt que de tracks. Il semble y avoir cinq albums
que la technosphère s’arrachait encore il y a peu de temps : ceux de Peter Van Hoesen, Silent Servant, Deadbeat,
Mala, et Blawan. Au lieu de passer en revue les cinq, et classer l’ensemble
bêtement (et surtout méchamment pour ces opus valant tous un achat à
l’aveugle), il vaut mieux s’accorder du bon temps, et se réjouir de pouvoir
danser sur la désormais célébrissime ‘Why They Hide THeir Bodies Under My
Garage’ dans toutes les soirées de Paris, ou de pouvoir jubiler à l’écoute des
premières notes de l’ ’Inspection For Solitude’ de PVH. Parmi les noms cités,
mais loin des ovnis technoïdes qui l’entourent, se trouve Mala, à des milliers de kilomètres des austères bijoux des musiques
mécaniques. Perdu au beau milieu d’une île antillaise, il s’amuse, et nous
propose de se joindre à la fête. Il ajoute un soupçon de rythme cubain au
dubstep dont il a le secret, et nous invite à danser, oui, danser pour ne plus
jamais s’arrêter. Et en vérité, comment le lui refuser ? Si Mala modifie un peu son répertoire
d’influence cette fois-ci, ce n’est en aucun cas pour tenter de remodeler le
genre comme l’ont fait tant d’autres, c’est pour mieux en faire l’apologie,
pour en décupler la puissance et l’intérêt, en agrandir la définition tout
comme le potentiel. Mala In Cuba,
finalement peut-être l’œuvre la plus satisfaisante des cinq susdites.
En marge de l’agitation de la
club music, vivent les autres. Tout cela ne les intéresse pas, les podcasts,
les playlists, les charts très peu pour eux ; les rencontres entre genres,
entre mouvements, entre cultures, ils n’y sont pas hermétiques, et sont
sûrement pour, mais ne l’ont jamais prouvé par les actes. Je veux parler des
artistes disant produire de l’ambient, les mystérieux créateurs de ces musiques
entre downtempo tribal et field recording venu d’une autre planète, ou chaque
bruissement est une partie de l’accomplissement d’une sorte de rituel vaudou
silencieux, chaque crépitement l’absorption d’un ingrédient par le feu sacré de
nos ancêtres, alors que les napppes vaporeuses et hallucinatoires que sont ces
interminables plages sonores comblent un édifice large mais tout en sobriété.
Oui, l’ambient est un genre (un style de production ? un courant artistique ? la question se pose) ésotérique, dur à
décrypter, tant et si bien que l’analyse de ce qui différencie un bon album du
mauvais m’échappe encore parfois, malgré les heures passées à m’ennuyer/m’extasier sur
ces énigmes phoniques. Sûrement m’échappera-t-elle toujours. Mais rien ne
m’empêche d’apprécier cela, et je veux pour exemple le mini-LP de Spheruleus.
J’ai découvert l'artiste lors de l'écoute du LP de Pleq et Lauki, The Anatomy of Melancholy, sur lequel Spheruleus remixait 'XII', aux côtés de Maps and Diagrams entre autres. Alors que le LP était majoritéairement orienté glitch et musique concrète, le remix de Spheruleus était le seul à insister sur une phase ambient plus prononcée, suite à quoi je
m’intéressais à son œuvre plus en détail. Quelques LPs plus tard,
j’étais convaincu, et à la découverte de sa dernière release, je me suis rué dessus
avec l’élégance de la danse nuptiale d’un phoque. À raison, puisque le résultat, le voici : The Late Surge Of Gold est un magnifique mini-LP, presque trois quarts d'heure d'une splendeur musicale irdescente, comme le scintillement inconstant de vagues du Pactole, comme les larmes d'une sirène glissant sur un des voiles moirés de Boticelli. Avec tantôt la délicatesse des jeux de lumières les plus époustouflants, tantôt profondeur et réalisme des atmosphères des plus saisissants, c'est un album paradisiaque qui vous attend. Merci Analog Path.
Thought Broadcast est l’œuvre
d’un seul homme, Ravi Binning, à en croire le peu d’informations que sa page
discogs nous offre. Mais ce new yorkais n’a pas peur d’aller loin, et livre une
indus de qualité avec son second album intitulé Emergency Stairway. Paru chez
les fameuses Editions MEGO (Dome, Mark Fell, Fennesz, Motion Sickness of Time Travel, Mika Vainio, Oneohtrix Point Never, et j’en passe) en septembre, ce LP vous donne la chair
de poule d’entrée de jeu avec un « Conflict Dub » savamment
réalisé ; allures dub et drone mélangées, on ne tarde pas à baigner en plein chaos
expérimental avec l’arrivée des deux tracks datées 03/10 et 18/10. Crade sans
vraiment l’être, doux bien que fait d'enregistrements aux airs de mécaniques froissées, cette petite
merveille se laisse digérer sans façons malgré le côté glauque et rugueux que
peuvent avoir les musiques dites industrielles. Charmé par tant de délicatesse
et d’originalité chez un album de ce genre, il mériterait un article à lui tout
seul, et c'est pourquoi je le conseille vivement à tous ceux qui aiment le challenge auditif, qui veulent se sentir ne serait-ce qu'un peu déstabilisé.
Je vous propose maintenant de
passer de l’autre côté de la frontière, et de revenir dans l’arène des clubs,
des caves, et des hangars insalubres. Nous voilà de retour avec de la bonne
techno, qui – contrairement à ce Negative
Fascination splendide, mais si mou du genou – ne se pose pas de questions, et
ne se préoccupe pas de votre état de santé. Une rasade d'un poison mécanique et brutal, aux relents d'huile de vidange pour machinerie indsutrielle, ça vous dit ? Conrad Protzmann et Trias - je veux
bien sûr dire, Ancient Methods ne se
fait pas prier, et son serviteur sait se dépasser pour nous offrir la référence
en la matière. Le résultat est une track addictive, d’une originalité « nulle »
pour une efficacité infinie. Avec ce ratio qui rend fou, Fondation Sonore, tout
nouveau label parisien, a déjà trouvé comment parler de lui avec ce Exstinctio Conscientia EP opposant Ancient Methods (aka Karl O’Connor aka Regis), et
Kareem, nous donne l’occasion d’entendre deux tracks, 'Dämmerung der Parhelia' et 'Zealots', travaillées de manières différentes par chacun des artistes. Une preview vidéo de la première est déjà disponible, et c’est –
évidemment – déjà au-dessus de vos attentes…
Et pusiqu’on mentionne l’ami Kareem, pourquoi ne pas aller jusqu’au
bout de l’affaire ? Ce serait manquer son nouvel album, pépite mentale, à
la fois sombre et luisante au fond de la nuit, trou noir aspirant jusqu’au plus
profond des âmes de ses auditeurs. A bien y réfléchir, ce Mesmer est bel et bien un monstre froid, mais qui sait se révéler
lumineux et rassurant dans ses recoins les plus cachés, comme au cœur de cet ‘Edgar’
ou de ce ‘Ligeia’, qui nous font plus penser à un voyage au cœur de la
nébuleuse d’Orion qu’à une descente aux enfers. Le germain a donc construit une
pièce bien plus éthérée que la techno présente sur l'EP précité, ce qui n’est
pas pour nous déplaire...
J'ajouterais aussi, pour continuer cette délirante session "teshno", les derniers efforts de Milton Bradley. Le berlinois nous fait parvenir son dernier EP via Prologue, l'omniprésent label munichois. Depuis l'album assez quelconque de Claudio PRC, il s'agit de la première release du label que jai entre les mains. Eh bien, pas de doute, l'écurie reste fidèle à elle-même : de Dino Sabatini à Milton Bradley en passant par Dozzy et compagnie, Prologue sait faire de la bonne deep techno, violente bien que passive, brutale bien qu'atmosphérique, aussi totale qu'abstraite. Reality is Wrong, c'est le nostradamus de la techno, l'Oracle venu nous sortir d'une matrice de kicks virtuels, irréels. On est maintenant confrontés à l'autre réalité, cette dure et sombre réalité que nous matraque M. Bradley, et que nous refusons d'admettre. Nous sommes passés de techno "sans concessions" à l'authentique techno sans concessions, celle qui tétanise, qui glace le sang. Comment appelle-t-on ce point de non retour, le stade le plus avancé de la quête d'une vérité dans un art, de la recherche du sublime, de l'absolu ? Plus sérieusement, Abdulla Rashim et les autres ont du souci à se faire. L'allemand est en train de kill tout le game, et ça ne choque personne ? Non seulement les trois tracks sont au-dessus de tout ce qui se fait en ce moment en terme de réalisation, mais elles sont en plus loin au-delà de notre basse conception de la techno. Je vous laisse observer le phénomène.
J'ajouterais aussi, pour continuer cette délirante session "teshno", les derniers efforts de Milton Bradley. Le berlinois nous fait parvenir son dernier EP via Prologue, l'omniprésent label munichois. Depuis l'album assez quelconque de Claudio PRC, il s'agit de la première release du label que jai entre les mains. Eh bien, pas de doute, l'écurie reste fidèle à elle-même : de Dino Sabatini à Milton Bradley en passant par Dozzy et compagnie, Prologue sait faire de la bonne deep techno, violente bien que passive, brutale bien qu'atmosphérique, aussi totale qu'abstraite. Reality is Wrong, c'est le nostradamus de la techno, l'Oracle venu nous sortir d'une matrice de kicks virtuels, irréels. On est maintenant confrontés à l'autre réalité, cette dure et sombre réalité que nous matraque M. Bradley, et que nous refusons d'admettre. Nous sommes passés de techno "sans concessions" à l'authentique techno sans concessions, celle qui tétanise, qui glace le sang. Comment appelle-t-on ce point de non retour, le stade le plus avancé de la quête d'une vérité dans un art, de la recherche du sublime, de l'absolu ? Plus sérieusement, Abdulla Rashim et les autres ont du souci à se faire. L'allemand est en train de kill tout le game, et ça ne choque personne ? Non seulement les trois tracks sont au-dessus de tout ce qui se fait en ce moment en terme de réalisation, mais elles sont en plus loin au-delà de notre basse conception de la techno. Je vous laisse observer le phénomène.
Puis, des passions moins
ardentes, des désirs moins brûlants, un bruit plus doux. Sven Laux, toujours aussi talentueux (en témoignent les mixes
présents sur son soundcloud), a récemment sorti un nouvel EP chez Dewtone Recordings, un audacieux label
d’ambient/deep techno qui fait rêver pas mal de monde depuis le début de
l’année, avec à son palmarès de remarquables disques d’Aepiel, Purl ou de
Martin Nonstatic, des artistes dont j’ai déjà fait les louanges par le passé.
Cette fois-ci, c’est au tour du brandebourgeois de nous donner des frissons
avec un EP exceptionnel par ses textures tout comme ses mélodies. Cette dub
techno ultraminimaliste aux airs de conte de Perrault est faite pour vous
emmener au pas des rêves. Alors que Silent Season est sacré label du mois par RA, DewtoneRecordings ne devrait pas tarder à se faire une place dans les lecteurs mp3
d’amateurs du genre. And There We Were
Surrounded est sorti le 21 août dernier, et un mois plus tard il ne fait
pas de doute pour moi que c’est un des EPs de la rentrée.
Afin d’ajouter un peu de joie à
cette sélection légèrement sévère, sortir du
cadre classique de la musique électronique serait de bon ton. Le Rock
adoucirait-il les moeurs ? Je devrais sans doute préciser qu’il ne s’agit ici pas précisément de rock mais de lo-fi. Le groupe en question ? 1991.
L’album en question ? 1991. Vessel, le petit anglais qui impressionne tout
le monde depuis un an et demi, et qui va sortir sa merveille de premier album
Order Of Noise très bientôt, était au mastering de cette perle de cassette qu'Astro:Dynamics a eu la bonté de sortir aussi en mp3. Un bon esprit post-rock, sorte de mélange entre LOL et Telefon Tel Aviv, voilà huit tracks généreuses et gratifiantes de la part, avouons-le, d'un sombre inconnu. Saura-t-il le rester ? Pas si sûr.
Enfin, si je devais ajouter un
album qui a enchanté tout le monde cette rentrée, c’est certainement celui de Jacob Korn. Bien que je m’éloigne
progressivement et involontairement du monde de la deep house, je n’ai jamais
démenti mon amour pour ce genre, et l’album de Jacob Korn, est avec celui de Smallpeople peut-être, ce qui s’est
fait de mieux en la matière cette année. Tandis que le label hambourgeois Smallville mise
essentiellement sur la douceur et l’esthétique léchée de ses compositions, Uncanny Valley, la maison munichoise, se
met en tête de nous donner l’énergie et la vivacité qu’il faut pour danser
jusqu’aux aurores. Ainsi, You & Me,
s’il possède un caractère sensuel indéniable, est aussi un stimulant et un
euphorisant imparables. Le sourire, vous l’aurez à la seconde près où commence
ce délice d’album, et le garderez longtemps après l’écoute de ce qui est,
décidément, un pur plaisir de "clubber". Loin de la pseudo-disco-pop-funk de feu
Breakbot, ici, on parle de
house et de joie de vivre authentiques, pas matraquées-marketées. En attendant le très prochain Two de Christopher Rau, régalez vous avec ce You & Me.
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