On entend beaucoup parler de Darling Farah récemment. Peut-être
est-ce dû à sa splendeur de premier album, Body.
Cela ne serait pas anodin, vu la qualité de la galette. Mais c’est certainement
en raison de son incroyable jeunesse. L’actuel londonien n’était âgé que de 16
ans lorsqu’il sortit son premier EP en 2008. Hair Down n’avait cependant rien à voir avec la suite de la
discographie de Kamau Baaqi. D’une
électro-house un peu crade mais pas encore repoussante, l’enfant saoudien était
passé à une tech-house/minimale avec son Berline
EP (sur lequel figuraient déjà de magiques remixes de Funkineven et Clara Moto,
mentors de renom pour un petit gars de 18 ans), pour prolonger vers une sorte
de deep techno tendant vers la house avec son EXXY en juin 2011. Ce cheminement aboutira en novembre à une UK
House complexe et profonde, sorte de mélange entre dub minimaliste, et bass
music : Division EP, dernier
maxi du trio sorti chez Civil Music,
correspondait donc à la fin de l’actualisation de ses influences musicales à la
suite des années passées en Angleterre. Musique un peu « loungy »,
qui pouvait rapidement devenir inintéressante, et ressembler à l’ensemble des
mélanges anglais entre house et bass, si ce n’était pour quelques morceaux (‘Model’,
‘Foreign’). Il n’y avait d’ailleurs rien de franchement techno dans la musique
de Darling Farah à ce moment, et c’est ce qui choque le plus quand on essaie de
mesurer le chemin parcouru en à peine 9 mois. De novembre dernier à aujourd’hui,
le natif de Detroit a redécouvert l’histoire de la club music, s’est promené
dans les archives, s’est balladé dans les affres du temps, s’y est perdu, et
s’est retrouvé dans un album sombre, personnel et aussi original qu’orgasmique.
Cet album, c’est Body.
Thursday, June 28, 2012
Sunday, June 24, 2012
EP de la semaine
Ce n’est jamais simple de
choisir, mais je crois que cette semaine, le choix s’est avéré particulièrement
difficile. Ne me basant pas sur les dates de sortie, mais sur les dates à
partir de laquelle je les écoute, il y a forcément des semaines où j’écoute plus
ou moins de musique, et des semaines où j’écoute plus de LPs que d'EPs. Du 18
au 24 juin, j’ai donc passé en revue plus d’une vingtaine d’EPs qui font
l’actualité, donc presque une dizaine valait d’être mentionnée : ceux de
Vatican Shadow, Sunil Sharpe, Kink, Bandshell, Locked Groove, Untold, Matthew
Dear, Four Tet, ou encore Dark Side…
et parmi ces neufs jolis vinyls, j’ai choisi de n’en garder qu’un pour
faire honneur à cette rubrique hebdomadaire en perdition. Il s’agit de Change In a Dynamic Environment Part II,
celui d’Untold donc. Deux tracks
seulement, pas vraiment les plus belles de tout ce que j’ai écouté cette
semaine, mais le plus d’originalité, et de volonté artistique peut-être. Loin
de toutes convetions, on est pris de spasmes,quand on écoute les tranchantes
notes de basses de l’artiste anglais. La techno gagne en profondeur et en
densité avec cet EP qui jouit des influences bass/house de son compositeur,
afin de mieux se perdre dans les méandres de ce qui rend la scène anglaise à la
fois si intéressante et si déplorable ces dernières années. Car oui, la scène
londonienne, et anglaise plus généralement, est gangrenée, comme je m’use à le
répéter, par ce flux incessant de productions bass/house, dénomination
fourre-tout que Resident Advisor avait déjà analysé il y a quelques mois de
cela ici. Oui, les anglais, connus depuis la fin du XXème pour leur
prédisposition à vouloir bordéliser la norme des influences, et à savoir briser
les ‘cases’ que nous autres français, en bons héritiers de la multiplicité des
distinctions sociales, nous adorons ; ces anglais savent faire le ménage
et, de bric à broc, créer des styles à partir de pas grand-chose,
« genrewise » comme ils auraient à la bouche. En musique électronique, c’est la même
chose : 20 ans d’histoire nous l’auront démontré sans que l’on puisse
revenir dessus. Qu’il s’agisse du mouvement Hardcore dans le sud londonien (jungle créée à partir d’un break, drum & bass découlant du flow initial, Speed Garage se
joignant aux festivités, entraînant la naissance du dubstep, etc.), de la techno de Birmingham ou de la house mancunienne, ils ne
se gênaient pas pour littéralement tout mixer, manipulations génétiques explosives
créant les hybridations que l’on connaît, métamorphoses et mutations musicales
permettant plus de 20 ans d’ « adventures in sound and music ».
Cette semaine, c’est Untold qui s’y colle, avec une techno
aux penchants house, bass, presque juke sur les bords. C’est dire si le co-patron de Hemlock Recordings veut se jouer de nous. En effet, si ‘Breathe’ nous paraît simple, c’est parce
que ‘Caslon’ nous laisse littéralement sans savoir sur quel pied danser. Une
incroyable vague bass, chicagoïsante, collante, indétachable du reste d’une
track qui avait tout de la techno de Birmingham, on sentait presque l’asphyxie arriver. Au lieu de tout cela, on écope d’un délire totalement
hallucinatoire, coincé entre ce rythme endiablé et de ce synthé si proche de
ceux de l’agréable ‘The Planet’ d’Ital Tek. Planet Mu fait donc la nique à Sandwell District pendant qu’on prend
notre pied en écoutant cet indescriptible mash-up qui semble appartenir à nos pires cauchemars, et qui sonne en fait assez bien. Il faut avoir le tympan bien
accroché, je l’avoue sans problème, et oser regarder en face les absurdités
acoustiques et autres dissonances qui polluent ce ‘Caslon’. Mais, nous autres
électroniciens musicaux, qui écoutons du noise, du glitch ou du drone criard,
sommes-nous en mesure de juger quand nos musiques préférées font parfois preuve
d’une « amusicalité » (au sens classique et donc ancien du
terme) défiant presque toute concurrence ? Ainsi il faut saluer le
courage artistique d’un Untold qui n’a pas hésité à commettre l’irréparable
afin d’ouvrir de nouvelles voies, et de se sacrifier afin de nous livrer une deep techno étrange, ni subtile ni jouissive, mais belle et bien en
dehors des cadres classiques. À
ceux qui n’auraient pas l’ouverture d’esprit de considérer cette option comme
valable, je les renvoie alors à ce ‘Breathe’, si justement tempéré, si finement
réalisé, là où la techno rencontre la douceur et la passion. Ce ‘Breathe’,
c’est de la techno version Smallville. Là encore, tout dans la structure
rythmique indique un morceau technoïde bien calibré, et les effets sur le
rythme appartiennent au registre techno aussi, mais là encore Jack Dunning ne se
laisse pas faire par les conventions, et ajoute une ligne de basse si tendre
qu’elle fond sous la dent. Les harmoniques de synthé de ci de là servent désormais à calmer l’atomsphère, et tout d’un coup, une
courte montée en intensité débouche sur un lead maximaliste qui semble exécuté
par une myriade d’astres célestes. C’est désormais scintillant, relaxant,
infinment plus gratifiant qu’une ballade techno comme on connaît tant d’autres,
et pourtant, la même base rythmique accompagne cette sorte de deep house
évoluée. On est vraiment charmé par ce soul train démoniaque, et cette
ambivalence si réussie. Voilà pour Change In A Dynamic Environment Part II.
Si vous n’étiez pas au courant, une suite et dernière partie de ce trio est prévue
pour septembre prochain, et quand on voit la qualité des deux premiers on ne
peut que s’attendre à une réussite. Le label à la cigüe prévoit donc de continuer l'élargissement de son impressionnante discographie (Ramadanman, James Blake, Cosmin TRG ou encore Pangaea sont déjà au catalogue). On est plus qu'impatients de découvrir tout ça. Alors rendez-vous à la rentrée.
Thursday, June 21, 2012
Sélection #4 - Fête de la musique
Pas de
discussion possible, ce soir vous allez fêter la musique. Dans la rue, acculé
entre les reprises des Doors ou de Bob Marley qui conjuguent mauvais goût et
faiblesse d’interprétation, vous allez sortir dehors et vous contenter de
l’orage (qui ne lâchera décidément pas la région parisienne avant le mois de
juillet), abuser des enceintes indécentes qui vrilleront vos tympans jusqu'à la moelle, enfin boire jusqu’à plus soif, histoire d’oublier
l’ambiance morose qui règne à deux jours de notre expulsion de l’Euro, et à
quelques mois de la fin de l’€uro. Parmi les seules bonnes nouvelles,
l’actualité musicale qui s’achète une vie avec l’arrivée très prochaine de
l’été (non, je n’appellerai pas encore ce temps de merde « été », que cela
vous plaise ou non), histoire de pourrir nos iPods de merdes commerciales. Et
d’autres choses éventuellement. Le point sur les quelques sorties pré-estivales
qui nous mettent du baume au cœur.
Monday, June 18, 2012
Polysick - Digital Native
Paul Kersex est un singulier personnage. Ce « machine man »
italien est l’auteur d’une petite dizaine de releases si on compte son alias TheAwayTeam, et s’est ainsi donné
l’opportunité de publier sur pas moins de 10 labels différents (et cette
fois, c’est en oubliant de prendre en compte son EP self-released). Un homme de
conviction donc, attaché à sa vision de la musique électronique et rien
d’autre, électron libre qui transmet son regard et son savoir un peu partout en
Europe, depuis la belle ville de Rome. C’est aussi et surtout un artisan
électronique, déterminé à passer par une conception analogique de ses morceaux,
et à refuser la facilité parfois déconcertante de la club music actuelle, ses
rythmes 4/4 évidents et sa house gentillette. À l’inverse, Polysick veut que son electronica, si elle croule sous les
références dance et les influences 90’s (et ce notamment en raison des
instruments et des patterns utilisés), ne tire sur aucune corde, ne s’attache à
aucun courant spécifique, de peur de rentrer dans un formatage sournois. Qu’en
est-il du succès d’une telle entreprise ? Après deux ans de productions
plus ou moins réussies, il est encore légitime de se demander si Polysick est
en mesure de dépasser le stade d’espoir surévalué. En effet, Digital Native, son second long format,
s’il ne lui cause pas d’opprobre, ne lui rend pas justice non plus.
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Friday, June 8, 2012
Recondite - On Acid
Depuis la sortie de son premier
Long Play On Acid, la presse n’a plus
que le mot "underrated" à la bouche pour parler de l’heureux Recondite et de ses acolytes de chez Acid Test. Très liés, le Berlinois et son label font cependant leur possible pour cacher l'identité du prodige. Sans doute pour mettre en avant leurs expérimentations, et leur but final. En réalité, toute leur
aventure n’est qu’une histoire – et d’Histoire il est essentiellement question
– d’oscillateur, plus précisément de TB 303. Oui, oui, la Roland Transistor
Bass 303, séquenceur de basse de la fin des années 80 qui, en prenant une utilisation moins conventionnelle (celle voulue par les ingénieurs n'avait pas grand-chose à voir avec cellle qui domina le marché),
fût à l’origine d’un pan historiquement important de la musique électronique
(l’Acid House), et qui valut à Tadao Kikumoto, chef de la R&D chez Roland,
la paternité reconnue par The Guardian d’un des 50 évènements les plus
importants de l’histoire de la dance music. Voilà le résumé wikipédia pour ceux
qui n’avaient vraiment rien suivi, la petite mise à niveau réglementaire pour
ceux qui débarquent. Ce qu’il est aussi bon de savoir, c’est que depuis
toujours, il existe une nostalgie de cette époque chérie par les fans de la
première heure, une nostalgie tantôt ambiante, tantôt frénétique, nourrie par
les souvenirs de vieux fêtards aujourd’hui disquaires en mal de vivre, et par
d’incessants revivals plus ou moins réussis. L’Acid House, sorte de faux âge
d’or, vestige idéalisé d’une époque ou la club music était composée de trois
genres et quatre sous-genres qui se battaient en duel, comme le veut
l’expression. Aujourd’hui, la diversité incroyable de l’univers de la musique
électronique permet de s’accorder sur l’absurdité d’un retour en bonne et dûe
forme de cette éphémère hystérie collective nord-américaine. Un état des lieux
qu’Acid Test comprend, et met
aujourd’hui à profit, et c’est là le point intéressant : tenter de
réexploiter les possibilités d'un instrument injustement réduit à l’utilisation qu’en ont fait les générations passées, et non par ses capacités innées. Voilà l’aventure
dans laquelle Acid Test s’est lancée, le challenge qu’ils se sont donnés, et qu'ils ont relevé haut la main.
Sunday, June 3, 2012
VA de la semaine
J’y reviens sans cesse, alors pourquoi se justifier à chaque
fois ? Stroboscopic Artefacts
est un des meilleurs labels de la scène techno actuelle, ne me demandez plus
de vous le présenter. En revanche, il y a bien quelque chose à présenter
pour que je fasse l’effort de revenir ici. Ce dont il fallait s’apercevoir
cette semaine, c’est qu’après la fameuse série des Monad, débutait cette semaine en digital celle des Stellate, des various orientés
ambient/expérimental et musique contemporaine… Un grand saut qu’il ne fallait
justement pas manquer, et je parle ici aussi bien de nous auditeurs que de Lucy
et ses camarades puisque ce changement du tout au tout était une opération à
risque. Le résultat ? Ils ont essentiellement tout déchiré. Loin d’être un
indispensable, ce VA possède néanmoins la noble qualité d’être immersif, et de
savoir tirer de sa faiblesse la plus apparente (la quiétude presque lassante)
une force remarquable en rendant le tout totalement hypnotique. Scotché à notre
casque, on est forcés de rester concentré de la première à la derrnière
seconde, tantôt focalisant notre attention sur les moindres détails de
l’extravagante ‘Frequency Phase Part III’ de Kevin Gormang, tantôt
confus et étourdis, happés par l’expérience psychotrope de ‘The Seduction Ends
In Tears’ de Borful Tang ou
‘Molineux’ de Perc. Des quatre
artistes présents (Lucy est le
dernier), Borful Tang tire réellement son épingle du jeu selon moi, sachant
allier expérimentation et saveur dans des tracks parfois totalement hallucinatoires
(la fin de ‘Meet The Band’ est –pendant trop peu de temps d’ailleurs - un sale
délire, avouons-le nous). Gardons à l’esprit que l'ensemble cela reste néanmoins
gentillet, et si on est bien accroché à nos écouteurs comme dit précédemment,
on en décolle pas le cul de notre chaise non plus. Comprenez que ce various, s’il
a le mérite de savoir nous impressionner la première fois, ne passera pas les
10 écoutes. Ce n’est pas plus mal, et cela prouve une fois de plus qu’on peut
toujours compter sur le label berlinois pour, si ce n’est nous faire accéder à
un autre état de conscience, nous distraire avec une bonne dose de passion ;
et sincèrement, que demander de plus ? Quand en plus on sait que Stellate 2ème du nom sort ce mois-ci, et featurera Silent Servant et Dadub...
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