Sunday, June 24, 2012

EP de la semaine



Ce n’est jamais simple de choisir, mais je crois que cette semaine, le choix s’est avéré particulièrement difficile. Ne me basant pas sur les dates de sortie, mais sur les dates à partir de laquelle je les écoute, il y a forcément des semaines où j’écoute plus ou moins de musique, et des semaines où j’écoute plus de LPs que d'EPs. Du 18 au 24 juin, j’ai donc passé en revue plus d’une vingtaine d’EPs qui font l’actualité, donc presque une dizaine valait d’être mentionnée : ceux de Vatican Shadow, Sunil Sharpe, Kink, Bandshell, Locked Groove, Untold, Matthew Dear, Four Tet, ou encore Dark Side…  et parmi ces neufs jolis vinyls, j’ai choisi de n’en garder qu’un pour faire honneur à cette rubrique hebdomadaire en perdition. Il s’agit de Change In a Dynamic Environment Part II, celui d’Untold donc. Deux tracks seulement, pas vraiment les plus belles de tout ce que j’ai écouté cette semaine, mais le plus d’originalité, et de volonté artistique peut-être. Loin de toutes convetions, on est pris de spasmes,quand on écoute les tranchantes notes de basses de l’artiste anglais. La techno gagne en profondeur et en densité avec cet EP qui jouit des influences bass/house de son compositeur, afin de mieux se perdre dans les méandres de ce qui rend la scène anglaise à la fois si intéressante et si déplorable ces dernières années. Car oui, la scène londonienne, et anglaise plus généralement, est gangrenée, comme je m’use à le répéter, par ce flux incessant de productions bass/house, dénomination fourre-tout que Resident Advisor avait déjà analysé il y a quelques mois de cela ici. Oui, les anglais, connus depuis la fin du XXème pour leur prédisposition à vouloir bordéliser la norme des influences, et à savoir briser les ‘cases’ que nous autres français, en bons héritiers de la multiplicité des distinctions sociales, nous adorons ; ces anglais savent faire le ménage et, de bric à broc, créer des styles à partir de pas grand-chose, « genrewise » comme ils auraient à la bouche.  En musique électronique, c’est la même chose : 20 ans d’histoire nous l’auront démontré sans que l’on puisse revenir dessus. Qu’il s’agisse du mouvement Hardcore dans le sud londonien (jungle créée à partir d’un break, drum & bass découlant du flow initial, Speed Garage se joignant aux festivités, entraînant la naissance du dubstep, etc.), de la techno de Birmingham ou de la house mancunienne, ils ne se gênaient pas pour littéralement tout mixer, manipulations génétiques explosives créant les hybridations que l’on connaît, métamorphoses et mutations musicales permettant plus de 20 ans d’ « adventures in sound and music ».


Cette semaine, c’est Untold qui s’y colle, avec une techno aux penchants house, bass, presque juke sur les bords. C’est dire si le co-patron de Hemlock Recordings veut se jouer de nous. En effet, si ‘Breathe’ nous paraît simple, c’est parce que ‘Caslon’ nous laisse littéralement sans savoir sur quel pied danser. Une incroyable vague bass, chicagoïsante, collante, indétachable du reste d’une track qui avait tout de la techno de Birmingham, on sentait presque l’asphyxie arriver. Au lieu de tout cela, on écope d’un délire totalement hallucinatoire, coincé entre ce rythme endiablé et de ce synthé si proche de ceux de l’agréable ‘The Planet’ dItal Tek. Planet Mu fait donc la nique à Sandwell District pendant qu’on prend notre pied en écoutant cet indescriptible mash-up qui semble appartenir à nos pires cauchemars, et qui sonne en fait assez bien. Il faut avoir le tympan bien accroché, je l’avoue sans problème, et oser regarder en face les absurdités acoustiques et autres dissonances qui polluent ce ‘Caslon’. Mais, nous autres électroniciens musicaux, qui écoutons du noise, du glitch ou du drone criard, sommes-nous en mesure de juger quand nos musiques préférées font parfois preuve d’une « amusicalité » (au sens classique et donc ancien du terme) défiant presque toute concurrence ? Ainsi il faut saluer le courage artistique d’un Untold qui n’a pas hésité à commettre l’irréparable afin d’ouvrir de nouvelles voies, et de se sacrifier afin de nous livrer une deep techno étrange, ni subtile ni jouissive, mais belle et bien en dehors des cadres classiques. À ceux qui n’auraient pas l’ouverture d’esprit de considérer cette option comme valable, je les renvoie alors à ce ‘Breathe’, si justement tempéré, si finement réalisé, là où la techno rencontre la douceur et la passion. Ce ‘Breathe’, c’est de la techno version Smallville. Là encore, tout dans la structure rythmique indique un morceau technoïde bien calibré, et les effets sur le rythme appartiennent au registre techno aussi, mais là encore Jack Dunning ne se laisse pas faire par les conventions, et ajoute une ligne de basse si tendre qu’elle fond sous la dent. Les harmoniques de synthé de ci de là servent désormais à calmer l’atomsphère, et tout d’un coup, une courte montée en intensité débouche sur un lead maximaliste qui semble exécuté par une myriade d’astres célestes. C’est désormais scintillant, relaxant, infinment plus gratifiant qu’une ballade techno comme on connaît tant d’autres, et pourtant, la même base rythmique accompagne cette sorte de deep house évoluée. On est vraiment charmé par ce soul train démoniaque, et cette ambivalence si réussie. Voilà pour Change In A Dynamic Environment Part II. Si vous n’étiez pas au courant, une suite et dernière partie de ce trio est prévue pour septembre prochain, et quand on voit la qualité des deux premiers on ne peut que s’attendre à une réussite. Le label à la cigüe prévoit donc de continuer l'élargissement de son impressionnante discographie (Ramadanman, James Blake, Cosmin TRG ou encore Pangaea sont déjà au catalogue). On est plus qu'impatients de découvrir tout ça. Alors rendez-vous à la rentrée. 

No comments:

Post a Comment